Paper presented at the ICOM International Conference in Barcelona on 4 July 2001.
Increasing Audiences
Dominique FERRIOT
University Professor, Conservatoire national des arts et
métiers
Abstract:
For a long time, university-based museums have given priority to a public of
students and researchers who have already acquired a minimum of culture in the
fields in question: for example , engineers at the Conservatoire des Arts et
Métiers in Paris, or medical students for the anatomy collections housed in
Universities. The conditions in which these-often numerous-publics have been
received has allowed them to develop research projects and consider the
historical collections as material for innovation. Nowadays, university museums
are faced with a dual demand : that of researchers wishing to have access to
premises suited to the consultation and study of the collection , which has led
to the creation of new tools, "visitable reserve stores", which also group
together the restoration workshops or the indispensable photo laboratory; and
that of the "public at the large" whose general knowledge is often weaker in
the field in question and who wish to discover a pleasant place equipped with
the appropriate educational systems. Since many university museums were set up on
historical sites, there is often a need to devise and complete a general
renovation project that recreates a whole new exhibition design while preserving
" the spirit of the place ". Within the institution's walls however, human
mediation remains irreplaceable in science museums where "demonstrators" can
set the instruments and machines in operation. Outside its walls, " knowledge
screens ", and in particular the Internet, are remarkable tools in providing a
maximum of people with access to information on the collection. A few examples
will be developed to illustrate this idea, while not concealing the operational
problems faced by museums which, for the most part, do not have the level of
management autonomy required to deal with the legitimate expectations of the
broader public.
Le musée est depuis l'origine, le Mouseion d'Alexandrie, un lieu d'étude et
de recherche autant qu' un lieu de mémoire. Les musées universitaires, par leur
double vocation d'enseignement et de conservation, devraient être les mieux
dotés pour répondre aux attentes légitimes de tous les publics. La situation est
bien différente et il faut souvent une opiniâtreté peu commune pour arriver à
mener à bien une politique mettant le souci du public au cÏur de l'institution.
Mais d'abord pourquoi vouloir développer le nombre des visiteurs du Musée.
Lorsque je suis arrivée au Musée des arts et métiers en août 1988, les salles d'
exposition étaient pratiquement désertes et pourtant le Musée avait un charme fou
qui en avait fait le refuge de promeneurs émerveillés, tel Umberto Eco qui a
fixé ses souvenirs dans son roman "Le Pendule de Foucault". Fallait-il
absolument vouloir la rénovation de ce "musée de musées", figé dans une
immobilité apparente qui laissait place au rêve et à l'étrangeté d' une visite
hors du temps présent. En fait , nous n' avions pas le choix: sans publics, la
collection se mourait lentement, ce musée de prototypes abandonnait sa vocation
première : être un lieu de mémoire mais pour inciter à l'imagination et à l'
invention. Dix années auront été nécessaires pour, à partir d' un nouvel
inventaire et d' une politique d' acquisition, recréer un outil qui mette en
valeur la collection et s'adresse à tous les publics.
Le public, quels publics?
Un public de chercheurs tout d'abord ou de visiteurs
curieux. Ceux-ci peuvent avoir accès à la partie cachée de l'iceberg, le
nouveau bâtiment créé pour abriter en fait 95% de la collection du Conservatoire
des arts et métiers. Implantée à Saint-Denis, à 5 kilomètres au nord de Paris
,la "réserve visitable" est accessible sur rendez-vous; surtout, tous les
objets portent un code à barres qui facilite leur repérage et leur identification.
Des locaux d'étude, des ateliers de restauration, un laboratoire
photographique complètent cet équipement moderne où les objets ont la première
place mais où tout est fait également pour faciliter la consultation (largeur
des allées, visibilité de pratiquement tous les objets); la réserve est une
sorte de "caverne d'Ali-Baba rangé" qui éveille la curiosité et laisse
toute sa place à l'émotion malgré une présentation rigoureusement organisée.
Le public scolaire est également un public privilégié pour les musées qui
dépendent d'établissements d'enseignement et de recherche. Là ce sont les
enseignants qui doivent devenir médiateurs pour que, selon le niveau des élèves,
il soit possible de construire des modes d'accès adaptés aux expositions ou
collections présentées. L'usage de techniques multimedia dans le Musée ne
remplace pas la médiation humaine et le démonstrateur est d'autant plus
nécessaire que l'âge de l'électronique rend les objets moins lisibles. Ceci
n'est pas vrai uniquement pour les musées de sciences et techniques; la
présence de jeunes étudiants dans les musées d'art qui guident avec enthousiasme
des élèves à peine plus jeunes qu'eux est la plupart du temps perçue comme un
temps fort dans la "mémoire de la visite".
Le public familial, le grand public, est cependant celui que nous voulions
majoritairement convaincre dans la nouvelle exposition permanente du Musée des
arts et métiers. Même seul, le visiteur dans un musée est toujours accompagné;
souvent la visite se fait par petits groupes et la muséographie doit prendre en
compte ce mode de parcours et cette lecture à plusieurs des informations
proposées. Là se pose aussi le problème de la langue, surtout dans un musée de
sciences où un minimum d'explications est souvent nécessaire. De plus en plus ,
l'information est donnée en plusieurs langues et adaptée aux différents publics.
Là encore, l'objet prime: les collections des musées universitaires sont leur
premier atout et l'investissement fait sur la mise en valeur et l'étude de la
collection permet d'enrichir et de renouveler les présentations. Aux Arts et
Métiers, nous avons choisi de clarifier le parcours de l'exposition: sept
grands domaines seulement pour présenter plusieurs milliers d' objets; certains
d'entre eux ont un statut "d'objets-phares" et sont dotés de tableaux
électroniques mettant en scène des séquences animées pour montrer l'objet en
fonctionnement ou dans son contexte. Cet effort de pédagogie est bien reçu par
un public qui cherche à comprendre même s'il ne peut pas toujours toucher ou
faire fonctionner les instruments et les machines.
Le caractère original des objets et, pour beaucoup de musées universitaires, le
fait d'être implantés dans des lieux historiques, classés parfois monuments
historiques, sont des contraintes mais surtout un formidable attrait pour tous
les publics. C'est pourquoi, avec d' autres, je me suis battue pour rénover
le Musée des arts et métiers dans son site historique, l'ancienne église de
Saint-Martin-des-Champs à Paris, devenue à la Révolution le temple de l'
invention et au XIX siècle le Panthéon des techniques. A Bologne, à Pavie, à
Utrecht, Oxford ou Berlin, des initiatives spectaculaires ont redonné vie à des
monuments magnifiques et à des collections exceptionnelles. Il faut alors ouvrir
l'Université, même et surtout les Dimanches et donner au visiteur le
sentiment de redécouvrir des lieux de savoir qu'il peut s'approprier.
Aujourd'hui le musée est aussi "hors les murs"; les établissements d'
enseignement et de recherche ont eu les premiers des sites web qui ont permis
au plus large public de connaître leurs collections et de suivre des
enseignements à distance. Hors les murs du musée mais dans les murs de l'
Université peuvent aussi être organisées des séries de
conférences donnant accès
à tous les savoirs; c'est précisément le but de la
manifestation intitulée "Université de tous les savoirs" qui a
connu en 2000 à Paris un extraordinaire
succès. Tous les jours de l'année, à 18h 30 en semaine et à 11 heures les
samedis, dimanches et les jours fériés, un chercheur (arts,
lettres, sciences) donnait, dans un amphithéâtre du CNAM, une
leçon de 40 minutes à un public
varié et libre; suivaient 20 minutes de discussion rigoureuse, parfois
passionnée. Ces leçons ont fait l'objet d'une publication (papier et
électronique) et elles ont révélé l'incroyable curiosité de publics qui
recherchent avant tout le contact avec les hommes de science qui sont dans nos
universités.
Là est le meilleur atout des musées universitaires, la présence dans l'
établissement de chercheurs qui devraient pouvoir contribuer à la politique de
diffusion des connaissances. En France, dans les années 1980, le gouvernement
a voulu la création d'une "Cité des sciences et de l'industrie" qui s'est
développée au nord de Paris dans les anciens abattoirs de La Villette. A l'
origine du projet: des idées, de l'argent mais pas de chercheurs et pas de
collections puisque le nouveau musée des sciences était créé à partir de rien ,
volontairement . Vingt ans plus tard, on constate que les é tablissements plus
anciens, le Conservatoire des arts et métiers, le Palais de la découverte, le
Museum d'histoire naturelle, les musé es en région ont plus de facilité à
rayonner et à se renouveler. Là est la chance des musées universitaires, dans
cette rencontre entre une collection et des publics, grâce à la médiation de
chercheurs/enseignants qui sont déjà dans l'institution.
Attention cependant aux problèmes d'ordre administratif; être dans un
établissement ne veut pas dire être privé d'autonomie et d'identité. Le Musée,
s'il est ouvert au public, doit être identifié clairement, de la rue et dans
une politique de communication autonome. De même, le directeur du Musée,
conservateur et responsable administratif à la fois, doit être ordonnateur de
son budget et capable de traiter simplement avec des partenaires variés dans le
monde de l'industrie et de la recherche. Si l'administration de l'Université
étouffe les initiatives du Musée c'est l'ensemble de l'institution qui peut
dépérir . Ces considérations d' ordre statutaire sont variables d' un pays à
l'autre ou d'un établissement à l'autre; en France, il faut bien constater
que les musées universitaires sont souvent pénalisés parce qu'ils appartiennent à
des institutions dont la vocation principale n'est pas le Musée. Or le public
n'a que faire de toutes ces considérations; il veut un établissement
facilement accessible et vivant. Souhaitons que la nouvelle loi sur les musées
favorise cette reconnaissance de la responsabilité des professionnels dans nos
musées y compris et surtout dans ceux qui dépendent de l'éducation nationale .
Cette demande d' une plus grande autonomie et ce souci des publics n' est
aucunement contradictoire avec la volonté première de conserver et d'accroître
des collections qui sont et qui restent des collections utiles pour
l'enseignement et pour la recherche.
La force du Musée enfin, au sein de l'institution universitaire, c'est son
interdisciplinarité; traiter du thème du "corps" , c'est possible au musée
en impliquant des chercheurs et des collections différentes; s'inscrire dans
des itinéraires de tourisme culturel, c'est possible à partir de situations très
variées (par exemple, l'ouverture des Observatoires pour faire connaître et
comprendre le patrimoine astronomique). En fait, nous ne sommes qu'au début
de l'avenir pour des institutions et des collections souvent plusieurs fois
centenaires mais qui sont pour tous les publics des lieux de savoir et de débat,
plus reconnus souvent que les medias ou la communication institutionnelle des
gouvernements. Développer l'ouverture de nos institutions vers des publics plus
nombreux est donc un objectif majeur que se sont fixé nombre de musées
participant ainsi à la richesse du débat démocratique et à l'enrichissement de
tous les savoirs.
Copyright © 2001. Dominique Ferriot
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